Les malfaiteurs sévissent dans les petites exploitations agricoles en volant tout le bétail sans s’inquiéter de l’intervention de la Garde nationale.
Dans un gouvernorat comme celui de Kairouan qui compte 23.000 éleveurs et qui dispose d’un cheptel composé de 800.000 brebis, 58.700 têtes bovines, 34.000 chèvres et 1.000 camélidés, l’élevage représente une activité économique très importante.
Malheureusement, ce secteur de la vie économique est menacé puisque l’on assiste depuis plusieurs années à la recrudescence du vol de bétail bien que les éleveurs aient redoublé de vigilance et de surveillance pour protéger leur cheptel. Beaucoup d’entre eux ont fini par vendre leur bétail et par sombrer dans la marginalisation et la pauvreté.
D’après les témoignages de beaucoup d’éleveurs, les voleurs utilisent souvent des véhicules loués dont les sièges arrière sont démontés afin de ne pas attirer l’attention. En outre, les tâches sont réparties entre ceux qui effectuent les vols, ceux qui s’occupent de la surveillance des lieux et du transport et ceux qui procèdent à la liquidation des viandes de bétail auprès des boucheries clandestines et des restaurants.
Rien que l’année dernière, on a enregistré dans tout le gouvernorat de Kairouan le vol de 8.000 têtes ovines et bovines, ce qui a porté préjudice à 600 éleveurs dont des femmes veuves, des septuagénaires vivant dans des villages isolés et même de jeunes éleveurs s’occupant de nourrir toutes leurs familles.
Les plaintes auprès de la Garde nationale augmentent chaque jour et quelques bandes de malfaiteurs ont été arrêtées avec leur butin, aussitôt rendu à leurs propriétaires.
Néanmoins, ce fléau continue de sévir et d’inquiéter tous les éleveurs même les petits bergers dont le métier ancestral risque de disparaître.
En fait, ces malfaiteurs n’ont aucune peur d’autant qu’ils savent que les agents de la Garde nationale manquent de moyens de transport pour se déplacer rapidement pour arriver au plus vite afin d’arrêter ces voleurs dans les bourgades les plus reculées.
Dans la localité de Dhibet (délégation d’El Ala), Mokhtar Jaballah nous parle de sa mésaventure : «A l’aube du 25 avril, des voleurs ont défoncé notre porte d’entrée et m’ont enfermé avec ma femme et mes enfants dans une pièce qu’ils ont fermée à l’aide d’un cadenas, et ce, pour pouvoir voler mon matériel agricole évalué à six mille dinars ainsi que trois veaux. Le comble dans tout cela, c’est que lorsqu’un éleveur veut défendre ses biens et qu’il a le courage de mettre hors d état de nuire les malfaiteurs, il est jeté en prison!», observe un éleveur de la zone rurale de Aouled Zaïer (délégation de Chebika) qui a eu la désagréable surprise, le soir du 15 juin 2021, de voir six voleurs voler ses brebis et ses moutons ainsi que son véhicule. Et lorsqu’il a voulu se défendre avec l’aide de ses voisins accourus sur les lieux, les malfrats ont tiré plusieurs coups de feu, ce qui a contraint le pauvre éleveur, qui craignait pour sa vie, à aller se cacher tout en appelant par téléphone les agents de la Garde nationale qui ne sont arrivés que le lendemain. Une enquête a été ouverte et on espère pouvoir mettre la main sur ces voleurs de bétail dont le nombre augmente surtout à l’approche de l’Aïd El Kébir.
Quant à Madame Habiba Rebhi, une septuagénaire qui ne vit que grâce à l’élevage de ses six chèvres dans la zone montagneuse de Sayada (délégation d’El Ala), elle nous parle de sa mésaventure : «Le 30 avril, vers 2h00 du matin, trois voleurs ont débarqué chez moi, m’ont ligoté les mains et les pieds afin de pouvoir voler en toute quiétude toutes mes chèvres. Puis, ils sont repartis à bord de leur véhicule sans aucune immatriculation, me laissant en pleurs. Comment vais-je survivre maintenant d’autant plus que je n’ai pas d’enfants ?…»
Beaucoup plus loin, au village de Sidi Abdallah (délégation de Chébika), un éleveur vit avec sa femme et subvient aux besoins vitaux de ses enfants porteurs de handicap, grâce à l’exploitation de son bétail. Malheureusement, cela fait deux mois que des voleurs lui ont dérobé tous ses moutons et ses brebis.
Beaucoup d’éleveurs espèrent que la loi visant la protection des éleveurs contre les vols sera appliquée à la lettre, ce qui permettra d’augmenter les peines prononcées à l’encontre des voleurs. De plus, il faudrait contrôler les marchés des animaux tout en mettant en place un système de numérotation des différentes espèces d’élevage.